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Ces dernières années la profession vétérinaire a connu de nombreuses mutations, l’incitant à évoluer, avec notamment la loi sur les antibiotiques, le nouveau code de déontologie, la directive service, etc.
Elle connait aussi un questionnement sur son avenir, et est challengée par la manière dont les jeunes vétérinaires arrivant sur le marché du travail envisagent leur métier et leur propre avenir.
Comme la majorité des vétérinaires praticiens, j’aime mon métier, je trouve qu’il a un rôle important dans la société, notamment de part la dimension humaine qu’il contient, et je prends chaque jour du plaisir à l’exercer.
J’apprécie la qualité des relations avec les clients, le large choix des actes que nous pouvons proposer pour leur venir en aide, la capacité qu’offre ce métier d’apprendre des choses nouvelles chaque jour et l’autonomie qu’il offre dans le travail.
Il me semble néanmoins que nous assistons à un changement conceptuel de l’approche du métier de praticien.
Les jeunes diplômés projettent une vision traditionnelle de salarié cadre dans le marché du travail vétérinaire. Ils recherchent un salariat, non pas comme une période de transition à court terme avant une création ou une association, mais plus comme la possibilité de prendre part à la vie et à l’évolution à long terme de la structure dans laquelle ils s’engagent. L’association ou la création ne sont plus une fin en soi. C’est un point qui me semble important pour comprendre la manière d’appréhender leurs attentes.
À l’issue de 7 années d’études, ils désirent exercer dans une ambiance agréable, avec une valorisation des compétences, qui les pousserait à s’investir davantage et à faire croître l’offre de service de l’entreprise dans laquelle ils travaillent, tout en ayant un respect de la vie privée.
Les « jeunes » ont envie de s’impliquer, d’impulser une nouvelle dynamique et de participer à la transition qui s’impose à nous. Ils souhaitent devenir notamment des acteurs du numérique, favoriser le développement de nouveaux axes, et encourager la valorisation de nos actes.
Impliqués, les jeunes vétérinaires souhaitent échanger, apprendre de l’expérience de leurs aînés mais aussi être reconnus et écoutés dans une dynamique qu’ils peuvent proposer.
Devant cette observation, peut-être faut-il repenser ensemble le salariat vétérinaire. J’aimerais que la profession offre plus de cohérence entre l’implication d’un salarié et sa rémunération, avec notamment plus de valorisation des compétences acquises lors de formations diplômantes. Beaucoup de salariés se retrouvent déçus au bout de 4 ans quand ils se rendent compte qu’ils ont peu de chance d’être rémunéré davantage que l’échelon 4 de la convention collective. La reconnaissance passe par la rémunération : devant ce plafond de verre, pourquoi continuer à s’impliquer ?
Nombreuses sont les cliniques à souhaiter cette valorisation des compétences et de l’implication, mais qui y objectent un manque de rentabilité de leur structure.
Or, cela a été démontré dans de nombreux secteurs, la valorisation d’un salarié augmente son implication et sa fidélité et permet d’accroître sa rentabilité et sa performance, sans parler du coût et de l’impact sur la clientèle de la perte d’un salarié et de la nouvelle procédure de recrutement. Il n’y a pas de raison que le secteur vétérinaire échappe à cette logique, même si des adaptations et une courte période d’investissement sont sûrement à prévoir et une confiance mutuelle est nécessaire.
Cette capacité de rétribution de la compétence passe aussi par le courage d’une valorisation des actes en eux-mêmes au sein de notre profession.
Cela implique une mobilisation de tous les acteurs de notre profession, au delà des clivages générationnels, pour une communication accrue auprès des propriétaires et une ré-évaluation par tous de notre offre de services.
Nous sommes aussi aidés en cela par le développement des assurances animalières et une implication accrue des propriétaires dans la santé de leur animal, notamment via les réseaux sociaux.
En effet, du fait de notre implication grandissante dans la qualité de vie de l’animal, dans la continuité de service et dans une éthique de notre mission, les vétérinaires ont considérablement évolué ces dernières années, notamment sur la prise en charge de la douleur et des moyens qu’ils mettent en oeuvre, même pour des actes « de base ».
Apprenons, ensemble, à valoriser nos engagements : nos actes ont évolué, nos prix le doivent aussi. Les vétérinaires doivent, collectivement, communiquer auprès des propriétaires sur leur évolution, leur implication, et la qualité de leur offre de service, ainsi que sur le coût de ces investissements.
Au delà des objectifs financiers à court terme, quelle est la vision à long terme qu’ont les praticiens de la profession, de son évolution et de leur formation dans ce monde et ce métier en pleine transformation ? L’important n’est-il pas de travailler ensemble vers un but commun qui fait sens pour tout le monde ?
Plus que la concurrence, ce sont la qualité des relations humaines, la confiance, le partage, la coopération, et la considération entre confrères qui nous permettront d’évoluer et de comprendre les enjeux de demain.
Cela implique une capacité d’altruisme, et une bienveillance entre vétérinaires. La bienveillance et l’exigence ne sont pas antinomiques mais, au contraire, la bienveillance sert la performance et sera l’antidote à la méfiance entre employeur et salariés.
Il est important de construire notre politique managériale sur des bases saines de communication et de dialogue véritable pour permettre à l’entreprise de reprendre sa place dans la société et aider à une performance de vos collaborateurs.
Dans un métier touché par un manque de confiance et de bien-être au travail, une remise en question profonde, via la lumière du leadership positif, de ce que nous considérons comme des bases acquises de la profession, et une valorisation accrue du travail des salariés me semble nécessaire pour permettre l’évolution du regard que nous portons sur le métier de vétérinaire.