Obstructions urétérales félines

Autres articles qui pourraient vous intéresser :

La gabapentine, un nouvel antistress chez le chat ?, Une lecture d’article sur la cholangite féline,  ou sur la mirtazapine en gel transdermique chez le chat.

Les obstructions urétérales félines sont reconnues comme de plus en plus fréquentes ces dernières années avec comme cause la plus commune une obstruction intraluminale secondaire à un calcul. D’autres causes incluent une striction urétérale, une tumeur, un bouchon de mucus, des caillots sanguins, de la fibrose et un traumatisme chirurgical.

Symptômes

Les signes cliniques sont souvent non spécifiques et incluent une dysorexie, des vomissements, une léthargie et une perte de poids. 

En cas de calcul urétéral, environ 75 à 83% des chats seraient azotémiques, 40 à 54% hyperphosphatémiques et 14% hypercalcémiques. D’après Kyles, 92 % des calculs urétéraux sont obstructifs.

Il convient d’effectuer un examen d’imagerie sur tous les chats azotémiques. Les calculs d’oxalates de calcium (le plus fréquents) sont radio-opaques. La sensibilité d’une radiographie pour les détecter est de 81%. Notons qu’il est plus aisé de les apercevoir dans l’aire rétro-péritonéale, sur une radiographie de profil, ce qui ne permet pas forcément de distinguer quel uretère est touché.

Une échographie est aussi indiquée. Sa sensibilité pour détecter un calcul urétéral est de 77%, mais elle permet de savoir quel uretère est atteint et d’évaluer la sévérité de la dilatation pyélique, et de la dilatation urétérale.

Une combinaison de la radiographie et de l’échographie est ainsi recommandée et mène alors à une sensibilité de 90% dans le diagnostic d’urétérolithiases.

Parfois, une pyélographie antérograde ou un scanner sont nécessaires pour identifier des calculs non visibles sur une radiographie ou une échographie.

Signes échographiques

 Une imagerie du rein controlatéral suggère souvent qu’une maladie parenchymateuse rénale est préexistante.

La néphromégalie n’est pas pathognomonique d’une obstruction : l’échographie est nécéssaire pour poser le diagnostic. Elle révèle une hydronéphrose, et un hydro-uretère proximal à la localisation de l’obstruction. L’importance de la dilatation pyélique serait directement corrélée à la valeur de créatinine. Cependant, selon Fages, quelques chats avec une obstruction urétérale et une maladie rénale chronique concomitante ne montrent pas de dilatation pyélique, peut-être à cause de la fibrose parenchymateuse et capsulaire.

Il est important de lever l’obstruction pour améliorer la filtration glomérulaire et éviter des lésions irrémédiables des néphrons. 

Traitement

En médecine humaine, la majorité des lithiases rénales sont traitées par lithotripsie extracorporelle. Il n’existe pas encore en France de possibilité d’utiliser la lithotripsie chez le chien et chez le chat, et il semble que les calculs félins soient particulièrement difficiles à fragmenter. La faible épaisseur de l’animal entraîne aussi des difficultés pour limiter les dégâts des ondes de choc sur les tissus environnants.

En situation d’obstruction urétérale bilatérale totale, il est préférable d’envisager d’emblée une technique de dérivation (tube de néphrostomie, par exemple). Dans les autres cas, la décision d’un traitement chirurgical se fait après traitement médical, et des examens répétés d’imagerie. Chez les chats, le temps optimal entre le diagnostic et le traitement chirurgical n’a pas été documenté, mais il semble qu’un délai de 2 jours soit adéquat.

             – Traitement médical

Le traitement médical est instauré pour une période de 48 heures. Il comprend une fluidothérapie, des diurétiques, des antidouleurs comme de la buprénorphine permettant d’aider à lever le spasme urétéral, mais aussi des antispasmodiques et de l’amitriptyline (un anti-dépresseur tricyclique qui a la propriété d’inhiber les contractions des muscles lisses et permettrait ainsi de faciliter le passage du calcul urétéral).

Il convient de vérifier la fonction cardiaque du chat avant d’envisager une fluidothérapie agressive car une congestion cardiaque est possible.

Son objectif est de corriger les conséquences directes de la présence du calcul (troubles hydro-électrolytiques, infection, douleur) et de favoriser sa migration dans la vessie (diurèse forcée). La migration du calcul est obtenue dans 17 % des cas mais la levée de l’obstruction n’est constatée que pour 10 à 17 % des cas. Ce traitement semble plus efficace pour les calculs localisés dans le tiers distal de l’uretère et pour ceux mesurant de 2 à 3 mm. La réussite du traitement médical doit être évaluée de façon régulière.

Il est intéressant de signaler que les calculs peuvent aussi se déplacer de manière antérograde pour aller se loger dans la cavité pyélique plutôt que de passer dans la vessie.

Un passage du calcul ne se traduit pas toujours en une baisse  de créatinémie, en raison de lésions rénales persistantes. Aussi, un suivi répété échographique et radiographique de la dilatation pyélique et de la position du calcul est recommandé pour documenter l’ évolution de la situation ainsi qu’une évaluation toutes les 12 heures la fonction rénale, et un ionogramme. Il faut ainsi monitorer de près le chat, une hyperhydratation lui étant délétère.

Il n’existe pas actuellement de validation de l’utilisation de ces traitements pour favoriser le passage des calculs.

– Traitement chirurgical

La chirurgie : un SUB  (Subcutaneous Ureteral Bypass) ou un stent, est plus invasive mais plus efficace que le traitement médical, bien qu’elle soit associée un un fort taux de morbidité et mortalité (18-39%). Un SUB est un système de by-pass connectant une sonde de néphrostomie à une sonde de cystostomie via un accès sous-cutané.

Radiographie de profil d’un chat sur lequel un dispositif de SUB a été posé. La flèche orange désigne le tube de nephrostomie, la flèche bleue la valve.

Un traitement réussi est associé à une azotémie décroissante post-opératoire et une diminution de la cavité pyélique à court et long terme, l’objectif étant d’atteindre les 2 à 7 mm. Cette diminution se fait souvent dans les 24h après la pose. Une cavité pyélique ≤ 3,5 mm est attendue 3 mois après la pose de SUB.

Un stent urétéral est un tube placé dans l’uretère pour permettre à l’urine de circuler du rein à la vessie. Il en existe principalement 3 sortes : en polymères, en métal ou biodégradables.  Bien que des complications soient possibles, il semblerait que les stents soient mieux supportés chez les chats et chiens que chez les humains.

Les SUB sont plus fréquents et il semblerait qu’ils se ré-obstruent moins fréquemment que le stents urétéraux chez les chats. Contrairement aux stents, ils présentent aussi l’avantage de pouvoir être rincés régulièrement.

Parmi les complications chirurgicales du SUB, on retrouve le plus souvent des fuites sur le site chirurgical, une obstruction du SUB (suite à une migration de néphrolithe, caillot sanguin..), des infections urinaires récurrentes ou des cystites stériles.

Suivi

Un suivi est classiquement fait 1 et 3 mois après la chirurgie puis tous les 3 à 6 mois.

La nature du calcul doit être analysée, pour mettre en place un traitement médical adapté et réduire la probabilité de récidive. La plupart des calculs urétéraux seraient des oxalates de calcium (87 à 98%), qui ne peuvent pas être dissous médicalement. Les struvites urétérales seraient plus rares. 

Les chats Persans et Himalayens auraient davantage de calculs d’oxalates que de struvite. Le Minnesota Urolith Center a observé depuis les années 80 à 98 une augmentation du nombre de calculs d’oxalates, l’interprétant comme une possible conséquence d’une alimentation formulée pour réduire le risque de struvite (restreinte en magnésium et  acidifiante). Des désordres métaboliques comme une hypercalcémie menant à une hypercalciurèse et une acidose métabolique pourraient aussi être des facteurs de risque. 

Ces calculs ne seraient pas associés à une infection car seulement 8% des chats auraient une infection du tractus urinaire concomitante à l’obstruction.

Pronostic

Dans une étude de Kyles sur 153 chats, le taux de récidive était de 40%, une étude plus récente évoque 33% de complications non obstructives (hématurie, infections du tractus urinaire, gastrite urémique, réaction inflammatoire autour du SUB), et 29,6% de complications obstructives. Le temps moyen d’obstruction serait de 3,7 mois.

Seule l’urémie à la présentation serait signifiante pour le taux de survie à long terme. La créatinémie à l’admission n’étant pas pronostique et la dilatation pyélique ne serait pas un élément prédictif de survie.. 

Il semblerait que le stade IRIS à 3 et 6 mois après l’opération soit associé avec le taux de survie (Horowitz). Les chats en stade IRIS 1 et 2 trois mois après la procédure vivraient plus longtemps que les chats en stade 3 et 4 (pour eux : temps de survie médian de 272 jours). 

J’espère que cet article vous aura aidé à y voir plus clair.

Date : Juillet 2018
Alexandra de Nazelle, Docteur vétérinaire
Bibliographie : 
  • Horowitz and al. Predictors of outcome for cats with ureteral obstructions after interventional management using ureteral stents or a subcutaneous ureteral bypass device, Journal of Feline Medicine and Surgery 15 (12) 1052-1062, 2013
  • Kyles and al. Management and outcome of cats with ureteral calculi : 153 cases (1994-2002), J Am Vet Med Assoc 2005; 226 : 937-944
  • Cannon and al.,  Evaluation of trends in urolith composition in cats : 5230 cases (1985-2004), J Am Vet Med Assoc , 2007; 231 : 570-576
  • Cléroux Alexander, Beauchamp, and  al.Evaluation for association between urolithiasis and chronic kidney disease en cats, J Am, Vet Med Assoc 2017 ; 250 : 770-774
  • Fages and al., Ultrasound evalution of the renal pelvis in cats with ureteral obstruction treated with a subcutaneous ureteral bypass : a retrospective study of 27 cases (2010-2015), Journal of Feline Medicine and surgery, 1-9, 2017
  • Palm and Culp, Nephroureteral obstructions The use of stents and ureteral bypass systems for renal decompression. Vet Clin Small Anim 46, 1183-1192, 2016
  • Manasserro and al. Indwelling double pigtail ureteral stent combined or not with surgery for feline ureterolithiasis : complications and outcome in 15 cases, journal of Feline Medicine and Surgery 2014, vol 16 (8) 623-630
  • Palm and Westropp, Cats and calcium oxalate. satretgies for managing lower and upper tract stone disease, Journal of Feline Medicine and surgery (2011) 13, 651-660

[instagram-feed]