Un article datant de 2017 a attiré mon attention :
Willems A, Paepe D, Marynissen S, Smets P., Van de Maele I., Picavet P., Duchateau L., and Daminet S., Results of Screening of Apparently Healthy Senior and Geriatric Dogs J Vet Intern Med 2017 ; 31:81–92 en accès libre ici.
C’est une étude prospective menée sur 100 chiens séniors apparemment en bonne santé.
Cet article a soulevé mon intérêt car la santé et le bien-être des chien âgés sont de plus en plus au coeur de notre exercice de praticien généraliste.
En effet, les animaux de compagnie sénior représentent 30 à 40% des patients dans les cliniques généralistes, et cette proportion va tendre à augmenter dans les années futures en raison de l’allongement de la durée de vie des chiens.
Ce qui a motivé cette étude, est la sortie d’une autre étude réalisée sur des chats d’âges moyens et séniors confirmant que des anomalies sanguines étaient communes chez les chats séniors et montrant le besoin de contrôles de santé réguliers et d’intervalles de références basés sur l’âge de l’animal. Une telle chose devait être vérifiée sur les chiens.
Les séniors ont des besoins spécifiques et sont plus prompte à développer des maladies chroniques. Les prémices de ces signes cliniques sont assez difficiles à repérer pour les propriétaires ou considérés à tord comme « normaux pour son âge ».
À partir de tels constats, des guides pour les vétérinaires se sont développés en fonction des stades de vie. Le but de tels supports est d’améliorer la qualité de vie et la longévité de nos patients, via la détection précoce et le traitement adapté de ces maladies.
La détermination de l’âge à partir duquel un chien est sénior dépend de sa taille et de sa race. Les auteurs se sont appuyés sur ce tableau :
Matériel et méthodes :
100 chiens ( 50 femelles et 50 mâles) ont participé à cette étude, 41 senior and 59 « gériatriques », à priori en bonne santé pour le propriétaire, et sans aucun traitement depuis au moins 2 mois. Ils se sont présentés à jeun de 12h, toutes les analyses étant gratuites pour le propriétaires.
Un questionnaire relatif à la santé de l’animal était à remplir par le propriétaire. Il abordait l’environnement de l’animal, son activité, ses changements de comportement (avec une échelle de dysfonction cognitive pour le chien), son alimentation, ses vaccination, son contrôle parasitaire, et un historique médical.
Les chiens avec un historique médical récent ou une suspicion de maladie évidente suite aux commémoratifs (cachexie, polyuro-polydypsie…) étaient exclus.
Puis un examen clinique standard était réalisé après mesure de la pression systolique (une hypertension était définie comme ≥160 mmHg et une hypotension à <80 mmHg ), et une note d’état corporel établie. Un examen rectal, vaginal le cas échéant, ainsi que des examens rapides neurologique, ophtalmique, et orthopédique, et un test de Schirmer (une production ≥15 mm était considérée comme normale).
Un fond d’oeil était réalisé, en portant attention à des signes d’hypertension systémique comme une hémorragie rétinienne, un oedème sub-rétinien ou des vaisseaux tortueux.
Un prélèvement sanguin était réalisé pour un examen biochimique complet et un dosage de thyroxine totale.
Un prélèvement d’urine par cystocentèse échoguidée était fait, en vue de réaliser une analyse d’urine comprenant une mesure de densité par un réfractomètre, un bandelette urinaire, et une mesure de pH et RPCU avec analyse du sédiment urinaire et culture bactérienne.
Si le propriétaire était d’accord, une cytologie après aspiration à l’aiguille fine de masses sous-cutanées était réalisée.
Résultats
Les résultats ne sont pas aussi impressionnants que dans certaines études sur les chats, mais certains points méritent qu’on en parle.
Tous les chiens présentant une gingivite, ainsi que les 36 chiens avec halitose, avaient du tartre alors qu’un brossage dentaire régulier n’était pas pratiqué chez 85% des chiens.
Une masse vaginale a été détectée chez 1 femelle non stérilisée, et une femelle sénior non stérilisée a révélé un nodule mammaire, ainsi que 2 femelles ayant déjà subi une mastectomie unilatérale.
La plupart des masses cutanées étaient des verrues ou des lipomes, mais 2 chiens se sont vu diagnostiquer un mastocytome, dont un de grade II, et une chien un carcinome sur l’oreille.
L’examen orthopédique a révélé sur 44 chiens des hanches douloureuses avec une extension et/ou une flexion douloureuse ou diminuée. Il est important de détecter et prendre en charge des problèmes de locomotion chez les animaux âgés car cela impacte leur confort de vie.
Un chien a été diagnostiqué comme hypothyroïdien.
Le propriétaire joue souvent un rôle primordial dans la santé de son animal mais peine parfois à reconnaître des signes cliniques précoces. Ainsi, un chien buvant plus de 200 mL/kg/J a été écarté de l’étude. Il est du ressort du vétérinaire d’informer les propriétaires de chiens âgés de signes cliniques à surveiller.
Conclusion :
Si cette étude, qui a l’avantage d’être prospective, peine à être probante sur certains points, elle contraste avec d’autres études ayant montré d’importantes anomalies détectées sur des chiens avant une chirurgie, lors du bilan pré-anesthésique.
Ici, le questionnaire a permis d’écarter les animaux à priori non sains, de part l’anamnèse et quelques données comme le poids et la prise de boisson.
Si tous les examens décrits dans cette étude ne sont pas forcément possibles lors d’un examen de routine chez le vétérinaire, elle donne, notamment via son annexe, d’excellentes bases pour établir un questionnaire de santé de l’animal, véritable lien avec le propriétaire.
Elle établit aussi la liste d’examens complémentaires que tout vétérinaire peut proposer pour un bilan sénior à sa clinique, avec un animal déposé à jeun le matin.
Il est du ressort du vétérinaire de proposer spontanément au propriétaire un bilan sénior en se basant sur des tableaux de correspondance d’âge comme celui fourni dans l’article, mais aussi des cytologies (examen peu contraignant et peu invasif) lors de masse cutanée.
Ainsi, la prise en charge d’un chien senior doit s’accompagner de la prise de ses commémoratifs, de l’établissement et du suivi de la note d’état corporel et de la masse musculaire, d’une pression artérielle, d’un examen clinique attentif et complet (toucher rectal/vaginal), d’un examen ophtalmologique, et d’un bilan sanguin (avec potentiellement une T4) et d’une analyse d’urine.
Le vétérinaire à un rôle central dans l’information et l’accompagnement du propriétaire, d’autant plus sur des animaux sénior, qui ont besoin que l’on se questionne davantage sur leur qualité de vie et que l’on soit attentif à certains changements de comportement.
L’établissement de questionnaires de santé simples permet d’engager le propriétaire et de fournir une base de dialogue objective et complète, pour une détection précoce et une prise en charge complète de l’animal.
Date : 11 Novembre 2018
Auteur : Alexandra de Nazelle, Docteur Vétérinaire.
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