Le coup de chaleur est un motif de consultation en urgence.
Le coup de chaleur est une urgence grave, fréquente en période estivale.
Sans prise en charge médicale, la mort survient en quelques heures. Les mesures d’urgences consistent à refroidir l’animal le plus précocement possible (en moins de 90 minutes) puis à traiter l’état de choc.
Le traitement précoce des complications est déterminante pour optimiser les chances de survie de l’animal.
Qu’est-ce que le coup de chaleur ?
Le coup de chaleur se caractérise par une hyperthermie, associée à une réponse inflammatoire systémique menant à un dysfonctionnement multi-organique (MODS) dans laquelle l’encéphalopathie prédomine.
Un environnement chaud et humide, ou un effort violent ne suffisent pas à déclencher un coup de chaleur, c’est l’augmentation de la température corporelle qui le déclenche.
C’est l’hypothalamus qui est aux manettes pour la gestion de l’homéostasie thermique.
La déperdition de chaleur peut se faire par 4 mécanismes :
– la radiation : par vasodilatation cutanée
– la conduction : échanges entre la peau et les structures en contact : se coucher au sol – l’évaporation : la polypnée favorise la thermolyse
– la convection : échanges entre l’air ambiant et la surface corporelle : se mettre dans des courants d’air favorise la thermolyse
Le coup de chaleur, c’est la résultante d’un échec de thermorégulation, suivi par une réponse exagérée de l’organisme et une altération des protéines de choc thermique (qui protègent les cellules).
Les facteurs environnementaux prédisposants
On va surtout le retrouver en période de transition, au printemps et en automne, mais on peut aussi le rencontrer en plein hiver.
Les temps de séjour dans des espaces confinés avec une humidité importante font partie des facteurs de risque (temps d’orages, le printemps, le début de l’été et l’automne, le port d’une muselière, être dans une voiture, exercice physique intense, un déménagement récent dans le sud (effet de surprise thermique).
Une étude datant de 1996 montre que la température intérieure d’une voiture garée à l’ombre avec une température extérieure de 29°C atteint les 49°C en 30 à 80 minutes, et que la température corporelle d’un chien enfermé dans cette voiture atteint 42°C en 20 à 50 minutes avec un risque de mortalité de 50% après 50 minutes de confinement !
Les animaux prédisposés
Certains animaux sont prédisposées : les brachycéphales (bouledogues..), les animaux en surpoids, les animaux avec une robe foncée et ceux qui ont des poils longs, et ceux de plus de 8 kg.
Les animaux très jeunes ou âgés (l’hypothalamus fait moins bien la thermorégulation), ceux présentant des troubles endocriniens (thyroïde, phéochomocytomes, paralysies laryngées, flaccidité trachéale), les insuffisants cardiaques…
Il est à noter que certains médicaments favoriseraient la survenue d’un coup de chaleur. Les animaux sous acépromazine sont susceptibles d’avoir davantage de coups de chaleur : elle est responsable d’une dépression centrale de la thermorégulation (dysthermie) et de la vasodilatation (hypotension).
Les symptômes du coup de chaleur :
Le motifs de consultation peuvent être variés et comprendre un abattement intense, voire une stupeur, ou un coma. La respiration est rapide, parfois avec la langue pendante, et un ptyalisme est souvent présent (l’animal bave beaucoup).
L’animal est souvent en tachypnée, tachycardie, ses muqueuses sont congestionnées voire bleues, et son pouls fémoral peu marqué (sauf au début très marqué) traduisant un volume d’éjection systolique réduit. Enfin, le temps de remplissage capillaire (TRC) est plus long. Il faudra d’ailleurs rechercher des pétéchies en regardant les muqueuses.
Notons que l’on aura classiquement une hyperthermie, MAIS, si l’admission est tardive, on pourra observer une hypothermie (élément péjoratif).
On pourra observer un myosis (traduisant une hypoxie cérébrale diffuse précoce), ou une mydriase bilatérale aréflexive (élément péjoratif).
Les mécanismes du coup de chaleur :
La barrière intestinale devient plus perméable, et on peut avoir des conséquences infectieuses avec translocation bactérienne.
Les cellules en hyperthermie sont en souffrance.
On va observer un état de SIRS (Syndrome de Réponse Inflammatoire Systémique) .
La production et la diffusion d’interleukines 1 et 6 entraine un état d’hyperacoagulabilité, résultant en des micro-thrombus et des dommages tissulaires.
Une des grandes causes de mortalité associée à un coup de chaleur est d’ailleurs la CIVD (Coagulation intravasculaire disséminée).
Cette état pro-inflammatoire et d’hypercoagulabilité peut mener à un syndrome de dysfonctionnements multiples d’organes (MODS).
Tous les organes de l’animal seront donc à monitorer : le système cardio-respiratoire, les reins, le tube digestif, le système nerveux central, et bien-sûr, le système de coagulation.
Éléments cliniques à l’admission de l’animal
Sur la biochimie on retrouve souvent une hypoprotéinémie, une hypoalbuminémie (vascularite et fuite de protéines), et une hyperbilirubinémie.
La numération et formule sanguine (NFS) et le ionogramme sont importants pour suivre l’animal et adapter la fluidothérapie.
La NFS révèle souvent une hémoconcentration due à la déshydratation, un leucogramme de stress (leucocytose et lymphopénie) et une thrombocytopénie du fait de l’altération de la fonction hémostatique.
La thermolyse respiratoire provoque une évaporation d’eau pure, ce qui favorise l’hypernatrémie. L’oligo-anurie ou une destruction musculaire massive (rhabdomyolyse quasi systématique) favorise une hyperkaliémie.
Sur le ionogramme, d’un façon générale et simplifiée, on retiendra qu’un chien présenté en coup de chaleur avec une température comprise entre 40 et 43°C présente le plus souvent une hypernatrémie, une hyperkaliémie et une hyperchlorémie.
Le frottis sanguin est intéressant : la numération de Globules Rouges nucléés a une valeur prédictive pour la CIVD, la mortalité et l’IRA. Une thrombopénie et des schizocytes peuvent se retrouver lors de CIVD.
La CIVD se traduit par des signes d’embolies ou d’hémorragies spontanées.
Elle est confirmée par des temps de coagulation augmentés, par une diminution du taux d’antithrombine III (ATIII), par une augmentation des produits de dégradation de la fibrine (PDF) et par une thrombocytopénie
Éléments péjoratifs à l’admission
Ce n’est pas la valeur absolue de la température de l’animal à l’admission qui compte, mais plutôt la durée pendant laquelle il reste en hyperthermie. Il ne faut pas condamner un animal trop tôt.
Parmi les éléments péjoratifs, on retrouve :
– la présence d’une CIVD clinique à l’admission
– des convulsions, un coma
– la présence de troubles du rythme ventriculaire dès l’admission (un ECG à l’admission est alors intéressant)
– une hypothermie,
– une insuffisance rénale aigüe (IRA) : pensez à faire une urée/creat, pour établir l’état de la fonction rénale mais aussi faire une valeur de référence et suivre l’évolution des valeurs.
L’insuffisance rénale est d’origine hypoxique, est est due à une nécrose tubulaire (tubulopathie hypoxique) : on a alors une glycosurie avec une glycémie normale.
– une hypoglycémie
La pression artérielle est un élément de suivi intéressant : une hypotension réfractaire au remplissage est péjorative.
Attention, il est important de noter que tout ceci ne doit pas vous empêcher de tout faire pour sauver l’animal.
Un seul des éléments cités ne saurait être pronostic, ce qui est important c’est l’évolution de l’individu et sa réaction à la réanimation.
La réanimation :
Le décès de l’animal survient généralement dans les 24h post -admission. S’il survit (50% des cas en moyenne), l’hospitalisation est souvent de 3 jours.
- REFROIDIR :
Pour gérer l’hyperthermie on favorise l’évaporation d’eau. On met l’animal devant un ventilateur, et on le mouille à l’eau froide.
On évite l’eau glacée sous peine d’entraîner une vasoconstriction périphérique généralisée qui limite les échanges thermiques, et peut provoquer des frissons consommateurs d’énergie et producteurs de chaleur endogène.
L’application de glace en région jugulaire, axillaire et inguinale est préconisée car elle permet de réduire la température corporelle sans entraîner de vasoconstriction périphérique généralisée.
L’objectif est d’arriver en moins d’une heure à 39°C, 39,5°C.
Il faut monitorer la température et maitriser les conséquences du rafraîchissement : on ne veut pas non plus que l’animal passe en hypothermie.
- TRAITER ET PREVENIR L’HYPOXIE :
L’évaporation d’eau par le tractus respiratoire est une des voies majeures de dissipation de chaleur : c’est un organe clef.
L’apport en oxygène est indispensable pour lutter contre l’hypoxie tissulaire et alvéolaire. N’hésitez pas à intuber l’animal s’il est inconscient. Le masque et la cage à oxygène sont à éviter car ils renforcent l’effet de confinement.
La fluidothérapie est aussi primordiale pour amener l’oxygène aux tissus.
Pour diminuer la consommation en oxygène des cellules cérébrales, il est important d’arrêter rapidement les convulsions, s’il y en a.
Les gaba-agonistes tels que les benzodiazepines, le propofol et les barbituriques sont alors utiles.
- CHOC HYPOVOLÉMIQUE
Les chiens arrivent souvent en état de choc hypovolémiques.
Le choix de la fluidothérapie se fait selon l’état de choc et le bilan sanguin à l’admission. Suite à cette fluidothérapie, il convient de bien surveiller la diurèse .
On peut perfuser l’animal à l’aide de gros volumes de solutés froids (penser à en garder au frigo). Si l’animal n’est pas cardiaque, on peut perfuser des volumes de 90 mL/kg pour un chien et 50 mL/kg sur une courte durée en monitorant la pression sanguine et en titrant les volumes reçus.
Un cathéter central posé à la jugulaire serait idéal si de gros volumes de perfusion sont nécessaires, mais il est contre-indiqué chez des animaux souffrant de troubles de la coagulation.
- TRAITER LES COMPLICATIONS :
Parmi les complications à gérer, on retrouve la CIVD, l’hypoglycémie, et la translocation bactérienne.
– l’hypoglycémie
L’hypoglycémie n’est pas si fréquente sur les animaux en choc thermique.
Selon la gravité de l’hypoglycémie, il est recommandé d’administrer un petit volume de dextrose (0,25-0,5 g/kg) et/ou du dextrose ajouté à du NaCl isotonique salé (solution à 2,5% -5% de dextrose) si l’hyperglycémie persiste.
– la translocation bactérienne :
Les risques de surinfections sont essentiellement liés à une hypoperfusion intestinale à l’origine d’une translocation. Des ulcérations sont possibles.
Des protecteurs gastriques et une antibiothérapie spectre large doivent parfois être envisagés.
-l’oedème cerebral :
Si l’animal continue de présenter des troubles neurologiques, une fois stabilisé au niveau hémodynamique, non déshydraté, sa glycémie étant dans les normes, alors il est possible qu’il présente un oedème cérébral. Dans ce cas, il est conseillé de surélever sa tête, sans comprimer ses jugulaires.
Il est possible de recouvrir à du mannitol (0,5-1g/kg IV toutes les 20 à 30 minutes)
Si les troubles neurologiques persistent malgré tous ces efforts, ceci est de mauvais pronostic.
L’administration de corticoïdes lors de coup de chaleur est controversée car elle favorise l’ulcération gastrique et diminue l’immunité, sans que le bénéfice lors de coup de chaleur ait été prouvé. Les résultats des différentes études quant à leurs intérêts sont contradictoires. Les corticoïdes auraient aussi une action pro-coagulante, et à dose élevée seraient inotropes négatifs.
Les AINS ne sont pas non plus indiqués.
Conseils de prévention
Afin d’éviter la survenue d’un coup de chaleur chez son animal, il est conseillé, notamment à l’approche de la période estivale :
-d’éviter l’exposition ou le confinement dans un environnement mal ventilé, chaud et humide,
-d’éviter tout exercice dans ces mêmes conditions
-de s’assurer que l’animal dispose d’un environnement aéré et ombragé,
-de laisser un accès libre et à volonté à l’eau,
-d’éviter les promenades aux heures les plus chaudes de la journée,
-de ne pas hésiter à mouiller son animal à l’eau froide si la température ambiante est élevée.
J’espère que ces éléments vous auront aidé 🙂 Bel été !
Auteur : Alexandra de Nazelle, Docteur vétérinaire
Date: Aout 2018
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