Notre façon de vivre et de nous nourrir sont en pleine évolution, et nous voyons de nos jours émerger une tendance à une alimentation plus raisonnée, végétarienne ou vegan.
Les « végétariens » consomment une alimentation dérivée des plantes, mais aussi des produits « fermiers » comme les oeufs, le lait ou encore le miel. Les « vegan » refusent toute consommation de produits dérivés de l’exploitation animale, aussi bien dans leur alimentation que pour leurs vêtements ou produits cosmétiques.
Nous abattons chaque année 60 milliards d’animaux terrestres et 1 000 milliards d’animaux marins pour notre consommation, c’est plus de 7 fois la population humaine.
Au delà d’une remise en question de notre mode de vie consumériste, ce mouvement est issu d’une volonté d’écologie, de respect de l’animal, et d’un refus de l’exploitation et de la cruauté envers les animaux.
Nombreux sont les propriétaires de carnivores domestiques à vouloir appliquer leurs choix alimentaires à leurs animaux, pour des raisons éthiques, mais ceci est-il sans conséquence pour leur santé ?
Il y a plus de 30 000 ans, les chiens étaient domestiqués, à partir des loups. Cette domestication s’est accompagnée d’une adaptation du chien à une alimentation plus variée que son ancêtre carnivore. Ainsi, le chien est devenu omnivore, capable de métaboliser les glucides et pouvant vivre avec une régime moins riche en protéines.
D’un autre côté, le chat a été domestiqué il y a environ 10 000 ans, et était davantage destiné à chasser les rongeurs présents dans les lieux de vie. La pression de sélection pour s’adapter à une alimentation humaine était donc moins importante que celle des chiens. Ainsi, les chats se sont beaucoup moins adaptés à un régime omnivore : ce sont des carnivores qui nécessitent une part importante de protéines dans leur alimentation (entre 50 et 60% d’énergie métabolisable).
Chaque espèce, mais aussi chaque stade de la vie (jeune, adulte, gestante, en lactation, senior..) nécessitent un profil alimentaire particulier et une attention pour prévenir une malnutrition et prendre en charge d’autres maladies concomitantes.
Une attention particulière sera portée à certains nutriments comme les protéines, certains acides aminés (taurine, carnitine, lysine et tryptophane), certaines vitamines (vitamine A, B3, B9 et B12), certains minéraux (comme le calcium, le zinc, le fer et le cuivre) et certains acides gras.
Il n’y a en théorie pas de raisons pour lesquelles une alimentation à base de plantes ne pourrait pas être appétente, et couvrir les besoins nécessaires d’un chien ou d’un chat. De nombreuses marques en proposent déjà. Des recettes ménagères, bien que moins populaires, sont aussi présentes sur quelques sites dédiés.
Des articles proposent d’analyser des gammes végétariennes ou vegan destinées aux chiens et chats. Si l’ont prend en revue ces publications, dans certaines de ces études, 25% des aliments ne couvriraient pas les besoins minimaux en acides aminés, certaines sont déficitaires en énergie, en protéines ou en potassium. Une des recettes d’alimentation ménagère couvraient les besoins en nutriments mais était déficitaire en méthionine, cystéine, sodium et vitamine B12.
On peut lire dans ces études que des marques proposent des aliments déficitaires en taurine, méthionine, et acide arachidonique. Dans d’autres aliments destinés aux chats, la taurine était présent mais dans des quantités inadéquates dans la plupart des cas.
La vitamine B12 est essentielle à l’équilibre de la flore intestinale, à la division cellulaire et au fonctionnement du système nerveux. On retrouve un déficit en cobalamine (Vitamine B12) lors d’entéropathie chronique, d’insuffisance pancréatique, et de manière génétique comme chez les Sharpei ou les Schnauzer géants.
La taurine est essentielle pour une bon fonctionnement cardiovasculaire et une carence en taurine chez le chien peut avoir des conséquences dramatiques (cf Influence de l’alimentation sur les maladies cardiovasculaires).
Un déficit en potassium engendre entre autres de graves troubles neuro-musculaires.
Le chat étant un carnivore, il puise son énergie dans les protéines. Chez lui, une carence en protéines ou un apport en protéines peu digestibles a des conséquences dramatiques de consommation de la masse protéique du chat, avec une fonte musculaire marquée.
D’autre part, des études ont aussi soumis des chats et chiens à une alimentation vegan stricte de 6 mois à 4 ans, sans mise en évidence d’une carence ou d’une différence significative en B12 ou en fer dans l’organisme, et une étude de PETA menée sur 28 chiens rapporte que la plupart des chiens maintenus sous une alimentation vegan ou végétarienne étaient en excellente santé (même si l’on peut objecter un parti pris dans cette étude).
En conclusion
La disparité de ces études est assez déconcertante, et à la lecture de tous ces rapports il est difficile de baser ses choix sur des éléments concrets, basés sur des preuves tangibles. Le chat étant un carnivore et non un omnivore, les risques de carence semblent être beaucoup plus élevés que chez le chien, et aucune étude valable ne lève ce doute, à ma connaissance.
La création d’un label et d’un comité de validation de la qualité nutritive et de la digestibilité des aliments est souhaitable, ainsi qu’un étiquetage permettant une plus grande transparence et une information complète du propriétaire, pour qu’il puisse de faire ses choix et dialoguer avec son vétérinaire.
Les propriétaires intéressés par une alimentation vegan ou végétarienne pour leurs compagnons, doivent être avertis d’un risque de carence et sont invités à vérifier les labels, compositions, et à se renseigner auprès des marques fournissant ces produits.
Comme pour tout animal de compagnie, je les encourage à monitorer la santé de leur chien ou de leur chat, ceci via un contrôle régulier de leur poids, de leur masse musculaire, de leur activité, mais aussi par des bilans sanguins et des analyses urinaires réguliers.
L’intérêt croissant pour une alimentation vegan ou végétarienne, verra, je l’espère, naître de nouvelles études, de plus en plus enrichies et interprétables, nous permettant d’apporter de nouveaux éléments sur la nutrition que nous pouvons apporter à nos compagnons.
Alexandra de Nazelle
Vétérinaire
Date : 1er Octobre 2017
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Bibliographie
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Matthieu Ricard, Plaidoyer pour les animaux
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http://compassioncircle.com Vegepet TM
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Articles et sites sympas
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Article du Monde
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Article de Matthieu Ricard
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http://vegan.fr
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Vidéo de Eppcoline sur le veganisme